Cet article a été publié initialement dans le Global Trade Magazine le Avril 17, 2021.
Par Jill Hurley et Michael Zobin, Directeurs, conseil en commerce international
Si vous faites partie des chaînes d’approvisionnement de détail aux États-Unis, vous êtes probablement très conscient de la mesure dans laquelle la pandémie de COVID-19 a accéléré l’adoption du commerce électronique et a modifié la dynamique des ventes. Vous êtes potentiellement également conscient des défis de la chaîne d’approvisionnement associés à la satisfaction des demandes de commandes en ligne et à l’impact sur le service à la clientèle.
En vérité, il est prévu que le temps de transit prolongé continuera d’être une réalité dans un avenir prévisible, même si la pénurie internationale de conteneurs s’atténue. Le grand volume de marchandises qui entrent dans les ports américains entraîne une congestion importante et des retards dans le déchargement des avions et des navires de marchandises, ainsi que dans le transport intérieur. Voilà la mauvaise nouvelle. La meilleure nouvelle, c’est que pour les secteurs où les attentes des consommateurs en matière de délais de livraison sont plus modérées, il pourrait être possible de réaliser des économies de temps et de coûts grâce à l’accord entre les États-Unis, le Mexique et le Canada et un programme encore plus récent mis en place par le Service des douanes et de la protection de la frontière des États-Unis.
Ascension météorique
Avant d’aborder le soulagement de la chaîne d’approvisionnement, il vaut la peine d’examiner l’ampleur du changement dans le paysage de la vente au détail en Amérique. Les chiffres parlent d’eux-mêmes. L’année 2020 a marqué la première année où les ventes de commerce électronique ont augmenté alors que les achats en magasin ont diminué. En outre, la trajectoire de croissance a été météorique; environ 860 milliards de dollars ont été dépensés par les consommateurs par le biais d’achats en ligne, ce qui représente une augmentation de 44 % des ventes en ligne d’une année à l’autre. De plus, une étude menée par McKinsey en août 2020 révèle que 20 % des consommateurs qui ont adopté une nouvelle méthode de magasinage numérique ont l’intention de continuer à procéder ainsi après la pandémie. La même étude révèle que le passage au magasinage en ligne est réparti uniformément entre les catégories socioéconomiques.
Tout cela signifie que même si l’augmentation actuelle des activités de commerce électronique est sans aucun doute alimentée par des mesures de confinements rotatifs et par l’incapacité des consommateurs de dépenser sur des services largement utilisés, tels que le divertissement, l’hébergement, la santé et le bien-être, etc., le grand changement vers les achats en ligne est irrévocable.
Une nouvelle façon de faire des affaires
Pourtant, même si les ventes en ligne ont été avantageuses pour les détaillants qui cherchent à garder leurs entreprises à flot tout en surmontant l’incertitude soulevée par la pandémie, elles créent également de nouveaux risques et défis, y compris un contexte concurrentiel plus vaste, une toute nouvelle approche en matière de marketing et de ventes, de considérations relatives à la chaîne d’approvisionnement et à l’entreposage et d’attentes en matière de service à la clientèle.
La pénurie de la chaîne d’approvisionnement
Depuis le début de la pandémie, les chaînes d’approvisionnement mondiales se sont retrouvées dans un état de désarroi, causé entre autres des arrêts de production en Chine au printemps 2020 à la lenteur subséquente de l’activité portuaire sortante du pays. Le tout a mené à des étagères vides aux États-Unis, à la pénurie continue de conteneurs et à la congestion portuaire dans de nombreux ports clés, comme ceux de Los Angeles et Long Beach. Tout comme les détaillants traditionnels, les détaillants en ligne ont de la difficulté à faire entrer les produits dans le pays.
Puisque le temps passé en transit a augmenté considérablement au cours de la dernière année, de nombreux consommateurs se sont habitués à de longs délais de livraison (trois semaines ou plus) pour les commandes en ligne de produits de consommation non essentiels (p. ex., vêtements et chaussures, produits électroniques, articles de décoration pour la maison, etc.). Cela représente une possibilité d’économie de coûts, en particulier pour les fournisseurs en ligne qui facilitent les commandes directes aux consommateurs par l’intermédiaire de fournisseurs outre-mer tout en tirant parti des centres de traitement et de distribution établis aux États-Unis, ce qui peut également aider à réduire les longs délais en transit.
Comment économiser de l’argent et du temps en transit
Le Service des douanes et de la protection des frontières des États-Unis (U.S. Custom and Border Protection, CBP) met actuellement à l’essai un nouveau programme qui permet aux importateurs d’accélérer le dédouanement des marchandises qui se situent dans le seuil de minimas des É.-U. de 800 $ par le biais d’un dépôt électronique avancé appelé type de déclaration 86. Le programme a été mis en place pour aider la CBP à rationaliser l’importation de biens de consommation individuels tout en maintenant de solides exigences en matière de sécurité et d’autres exigences des ministères.
Le type de déclaration 86 relève de l’article 321 de minimas et élargit les catégories dans lesquelles les marchandises peuvent entrer aux États-Unis avec une déclaration douanière informelle. De plus, l’utilisation du type de déclaration 86 signifie que les marchandises reçoivent habituellement un dédouanement anticipé, réduisant le temps de traitement douanier au point d’entrée. De plus, le type de déclaration 86 n’exige pas le même calibre de documents administratifs normalement exigé pour les marchandises réglementées par les organismes gouvernementaux partenaires (OGP) qui ne sont pas admissibles à la mainlevée par le biais du processus de manifeste en vertu de l’article 321. À ce titre, les entreprises qui importent des marchandises réglementées qui se situent dans le seuil de 800 $ de minimas peuvent tirer parti du type de déclaration 86 plutôt que d’avoir à faire une déclaration officielle en douane. Cela réduit encore davantage le fardeau administratif et accélère le traitement des marchandises de minimas entrant aux États-Unis par le biais du type de déclaration 86.
Pour tirer le meilleur parti du type de déclaration 86, les importateurs déplaceraient la destination de leurs importations au moment du dédouanement d’un établissement de transporteur express (Express Consignment Carrier Facility, ECCF) où les marchandises de commerce électronique sont généralement traitées vers un entrepôt de stockage par conteneur (Container Freight Station, CFS). Bien que le traitement par l’intermédiaire de ECCF puisse accélérer le dédouanement en raison qu’un agent des douanes est sur place pour dédouaner les marchandises, le processus est assez coûteux. Le type de déclaration 86 élimine cependant la nécessité pour un agent des douanes d’être sur place, car les marchandises sont dédouanées avant leur arrivée par le biais de la déclaration électronique avancée des douanes. Le résultat est une autorisation accélérée à un coût inférieur.
Occasion de créneau
Comme le type de déclaration 86 est relativement nouveau, la grande majorité des entreprises ne connaissent pas le processus. Les entreprises qui cherchent à tirer parti du type de déclaration 86 devraient prendre le temps d’évaluer ce qui est requis et de faire les investissements nécessaires pour faciliter le processus. Dans de nombreux cas, cela nécessitera de travailler avec un tiers pour concilier les changements technologiques et opérationnels requis afin d’assurer une utilisation appropriée du type de déclaration 86 du point de vue technologique et administratif.
Soutien pour le Nord
En expédiant des marchandises dans un port canadien et en faisant emballer à nouveau les marchandises pour livraison finale dans un entrepôt de stockage au Canada qui a une proximité avec la frontière entre les États-Unis et le Canada, puis en transportant les marchandises par fret terrestre aux États-Unis à l’aide d’une déclaration en vertu de l’article 321, les détaillants en ligne des États-Unis ont l’occasion de réduire le temps global de transport pour les marchandises, car les ports canadiens sont peut-être moins congestionnés.
En outre, l’utilisation d’un manifeste électronique permet de traiter les importations de façon beaucoup plus transparente qu’une entrée en douane officielle, réduisant ainsi la possibilité que les marchandises soient retardées au point d’entrée en douane et accélérant le temps global de transit. De plus, l’acheminement par le Canada, un partenaire commercial de l’ACEUM, permet aux importateurs américains de profiter des économies de droits et de taxes associées au seuil de minimas généreux des États-Unis. En d’autres termes, l’acheminement par le Canada offre aux importateurs américains la possibilité de réaliser des économies de temps et de coûts.
Il y a cependant la question délicate des tarifs imposés en vertu de l’article 301 sur les marchandises d’origine chinoise, qui ont frustré les détaillants aux États-Unis depuis le début de la guerre commerciale entre les États-Unis et la Chine en 2018. Bien que les importations qui se situent dans le seuil de minimas aient jusqu’à présent été exemptées des tarifs en vertu de l’article 301, une proposition, temporairement mise en tablette, en cours d’examen par le Bureau de la direction et du budget a le potentiel de changer tout cela. L’administration actuelle du président américain Joe Biden élabore toujours sa politique à l’égard de la Chine et mobilise ses alliés afin d’exercer une pression sur Beijing pour modifier ses politiques économiques. Cette politique pourrait inclure l’élargissement de la portée des tarifs douaniers américains sur les marchandises d’origine chinoise, y compris les tarifs douaniers sur les marchandises qui se situent dans les limites de minimas. Par conséquent, les entreprises ou leurs distributeurs qui cherchent à tirer parti de l’article 321 et du type de déclaration 86 devraient collaborer avec une organisation qui surveille de près les changements réglementaires et les informe de ces changements afin qu’ils puissent s’ajuster en conséquence.
En résumé
L’entrée dans le commerce électronique ou son expansion considérable représente un ensemble important de défis pour les entreprises, dont une grande partie est liée aux soucis liés à la chaîne d’approvisionnement et de distribution. Il sera essentiel de trouver des moyens de réduire le temps de transit ou de réaliser des économies de coûts lorsque les économies de temps ne sont pas possibles, non seulement pendant la période de fermeture de la pandémie, mais également dans le futur, car le contexte en ligne devient de plus en plus concurrentiel et exerce une pression à la baisse sur les marges.
Jill Hurley est directrice des services-conseils en commerce mondial chez Livingston International, aux États-Unis. Elle apporte une grande expertise dans l’élaboration et la mise en œuvre de programmes de conformité des importations et des exportations, les audits de conformité, les exigences en matière de licences d’exportation, la sécurité de la chaîne d’approvisionnement, la préparation, la présentation et la supervision de projets d’atténuation des pénalités et l’assistance en matière de recours commerciaux américains, tels que les droits antidumping et compensateurs, et les ordres en matière de propriété intellectuelle.
Michael Zobin est directeur des services-conseils en commerce mondial chez Livingston International, au Canada. Son expertise comprend l’optimisation de la chaîne d’approvisionnement, le report des droits et les remboursements, la réalisation d’examens de programmes de conformité, l’élaboration de procédures de conformité, la divulgation volontaire et l’examen après entrée.