Contexte
L’Accord de Partenariat transpacifique global et progressiste (PTPGP) est un accord de libre-échange entre 11 nations qui, s’il est ratifié par l’une ou l’autre de ces six nations, éliminera les tarifs sur la grande majorité des marchandises échangées entre les nations participantes. Il est prévu que le Canada ratifie le PTPGP en mars 2019.
Le Canada était un signataire attendu de l’incarnation initiale de l’accord, le Partenariat transpacifique, un accord d’échange qui impliquait à l’origine quatre nations, mais qui en comptait 12 par la suite, dont les États-Unis, le Canada, l’Australie, la Nouvelle-Zélande, le Mexique, le Pérou, le Chili, le Japon, la Malaisie, le Brunei, Singapour et le Vietnam.
Les négociations entourant l’Accord de Partenariat transpacifique ont été la cause de controverses au sujet d’enjeux cruciaux, comme le mécanisme de règlement des différends entre investisseurs et États, l’impact de la main-d’œuvre bon marché en Asie du Sud-Est sur les marchés développés et l’impact sur des modifications aux droits de propriété intellectuelle sur des industries clés comme les soins de santé et l’industrie pharmaceutique.
En dépit des nombreux points de discorde, l’accord à 12 nations n’était pas près d’une ratification à la fin de 2016. Toutefois, la nouvelle administration des États-Unis, dirigée par le président Donald Trump, a soustrait la participation du pays à l’accord à la troisième journée de son mandat. De nombreux observateurs croyaient que le retrait des États-Unis créerait un grand vide économique pour permettre aux membres restants de poursuivre leur participation sans celle des États-Unis.
De Partenariat transpacifique à PTPGP
Après le retrait des États-Unis, le Partenariat transpacifique semblait chose du passé, mais au cours de l’été 2017, les 11 membres restants ont choisi de revoir la possibilité d’aller de l’avant avec l’Accord de Partenariat transpacifique global et progressiste (PTPGP). La décision est née d’un désir mutuel de favoriser le commerce entre les nations et continents, un sentiment qui est devenu particulièrement prédominant face à ce qui semblait être une vague grandissante de protectionnisme mondial.
De récentes recherches démontrent que le PTPGP serait toujours avantageux pour les États signataires et pour le Canada en particulier, même sans la participation des États-Unis. Une étude récente de la fondation Canwest, un cercle de réflexion sur les enjeux spécifiques à l’ouest du Canada, a révélé que le PTPGP générerait une augmentation de 2,43 % des exportations parmi les nations du PTPGP. Il entraînerait aussi une hausse du PIB dans tou le bloc de l’accord en générant approximativement 22 milliards de dollars en activité économique d’ici 2035.
Fait intéressant, l’étude révèle que le Canada serait plus avantagé avec un PTPGP qu’avec l’Accord de Partenariat transpacifique 12 original avec une hausse de l’activité économique de 3,4 milliards de dollars versus 2,8 milliards. L’étude note qu’à l’exception du secteur de la production laitière, le secteur agricole du Canada sera le plus avantagé par un PTPGP alors que le secteur de la production laitière sera affecté par la compétition de la Nouvelle-Zélande et le secteur du textile et des vêtements sera légèrement affecté par la compétition ajoutée de l’Asie du Sud-Est.
Si l’on assume qu’il sera ratifié, le PTPGP sera particulièrement important pour le Canada dans l’éventualité d’un retrait de l’ALENA par les États-Unis. Entre le PTPGP et l’Accord économique et commercial global (AECG) et l’accord de libre-échange appliqué provisoirement entre le Canada et l’Union européenne, les entreprises canadiennes auront accès à la majorité des marchés les plus essentiels au monde et, peut-être plus important encore, au libre-échange avec des nations qui sont devenues des chaînons essentiels de la chaîne d’approvisionnement mondiale (par ex., Singapour, Vietnam, etc.).
Avantages pour les entreprises canadiennes
Les industries canadiennes seront avantagées de façon substantielle par la participation du Canada au PTPGP. Le Canada est présentement désavantagé en ce qui a trait aux exportations dans les échanges bilatéraux parmi les nations avec lesquelles il n’a pas d’accord de libre-échange (sept pays sur 11). Ces pays doivent en général payer des tarifs beaucoup plus élevés pour les biens canadiens qu’ils importent que paie le Canada pour les biens importés au Canada et qui proviennent des nations faisant partie du PTPGP.
L’élimination des tarifs créerait un terrain de jeu à niveau et donnerait un accès beaucoup plus libre aux industries canadiennes cherchant des opportunités d’exportation dans les marchés du PTPGP, particulièrement ceux d’Asie. Il est estimé que le PTPGP entraînerait des économies de 428 millions de dollars en tarifs chaque année, somme issue en majeure partie des échanges avec le Japon, le Vietnam et l’Australie. Il est de plus estimé que le PTPGP entraînerait une augmentation des importations de 3,6 milliards de dollars.
Les industries canadiennes du bœuf, de la volaille et du porc seront avantagées de façon substantielle par l’accès au marché comme les producteurs de machinerie qui seraient en mesure de répondre à la demande plus grande pour leurs appareils en Malaise et en Australie.
Le facteur ALENA
Les résultats des négociations actuelles pour l’ALENA, et particulièrement les exigences relatives à la valeur régionale pour les automobiles, auront une influence sur les façons choisies par le secteur automobile canadien pour utiliser le PTPGP. Le PTPGP procure au secteur automobile canadien la capacité d’importer du Japon des pièces automobiles essentielles, comme des écrans tactiles et autres composants modernes, de façon rentable et sans tarifs. Mais il y aura un désavantage pour le secteur canadien des pièces automobiles. L’exigence inférieure de contenu du PTPGP de 45 % pour les véhicules finis et de 30-45 % pour les pièces automobiles signifie que les fabricants d’automobiles canadiens seront davantage portés à acheter un plus grand volume de pièces automobiles auprès des fournisseurs offrant des prix plus bas par le biais du PTPGP, plutôt qu’auprès de fabricants de pièces automobiles du Canada ou des États-Unis. Une baisse des achats de pièces automobiles auprès des fabricants de pièces des États-Unis exacerberait le déséquilibre commercial entre les États-Unis et le Canada dans un secteur qui a été au cœur des négociations pour l’ALENA.
Les États-Unis demandent présentement que les exigences de l’ALENA relatives aux éléments d’origine régionale soient élevées de 62,5 % à 75 %. Si cette augmentation était incluse à l’accord final, les fabricants d’automobiles et fabricants de pièces automobiles canadiens devront limiter sévèrement le volume de contenu automobile provenant du Japon ou des autres pays du PTPGP ou risqueront de ne pas être en mesure de tirer profit du rapport coût-efficacité associé à l’ALENA.
L’impact d’un retrait de l’ALENA ou de modifications aux exigences relatives aux éléments d’origine régionale l’ALENA du PGPTP serait similaire dans le secteur de l’habillement au sein duquel les producteurs approvisionnent une portion substantielle de leurs matériaux et de leur main-d’œuvre de production en Asie du Sud-Est. Les fabricants de vêtements pourraient faire venir des importations à un coût encore plus bas que celui dont ils profitent déjà, ce qui leur permet d’être compétitifs dans les marchés internationaux.
Négocier le PTPGP
Alors que la majorité des parties se sont entendues sur les aspects cruciaux d’un PTPGP, certains points de discorde subsistent.
Le retrait des protections des droits de propriété intellectuelle qui furent introduites et poussées par les États-Unis a été l’enjeu principal des étapes initiales des négociations du PTPGP. L’Accord de Partenariat transpacifique original permettait des termes pour brevets plus longs pour les produits pharmaceutiques, en raison des préoccupations de certains défenseurs de la santé qui ont noté que des modifications pourraient retarder la disponibilité de médicaments génériques plus abordables, ce qui pourrait rendre certains médicaments financièrement inaccessibles pour ceux qui en ont un besoin urgent ou placer un fardeau financier sur le système de santé canadien déjà affecté par sa large part de fardeaux.
La gestion de l’approvisionnement a aussi été une question délicate pour les négociateurs canadiens. L’industrie laitière canadienne était très mécontente que le Canada ait concédé des importations additionnelles de produits laitiers dans le cadre de l’accord AECG et le sera tout autant sinon davantage dans l’éventualité de toute concession additionnelle pour les importations de produits laitiers. Cela sera encore plus exacerbé par la possibilité d’un accès additionnel donné aux États-Unis au marché des produits laitiers canadien dans le cadre des négociations de l’ALENA.
Fidèle à sa position dans les négociations sur l’ALENA, le gouvernement canadien souhaite voir le PTPGP inclure des dispositions progressives concernant l’égalité des genres, la protection de l’environnement et les droits du travail; toutes des dispositions qui pourraient être difficiles à accepter en raison du fait que leurs avantages compétitifs sont souvent basés sur les avantages de coûts associés à des normes environnementales et à des normes du travail moins sévères.
Signature du PTPGP
Le Canada a signé le PTPGP en principe le 8 mars 2018. Toutefois, l’accord devra quand même passer le processus de ratification dans tous les États membres. Les représentants du gouvernement du Canada ont affirmé croire que le processus de ratification peut être réalisé de façon « accélérée » dans l’espoir d’une ratification complète d’ici la fin de 2019.
Pour les entreprises du Canada, l’impact combiné de se joindre au PTPGP ainsi qu’à l’AECG avec l’Europe ne peut être sous-estimé. Pour de nombreuses entreprises, de tels accords ouvrent la porte à des opportunités dans des marchés énormes sans compétition limitée des autres pays développés. Ils servent aussi à mettre un terme à la dépendance au marché des États-Unis, qui ont manifesté récemment le désir de se retirer de l’entente des frontières ouvertes avec le Canada en ce qui concerne les droits compensateurs et antidumping sur les importations de bois d’œuvre canadiens, de même que l’imposition de tarifs sur les importations d’acier et d’aluminium.