Les décideurs d’entreprises qui font des affaires au Canada (ou qui prévoient le faire) peuvent être pris au dépourvu par le récent appel du gouvernement fédéral à se conformer aux pratiques d’approvisionnement éthique, qui exige la publication de rapports publics dès le 31 mai.
La nouvelle loi sur la lutte contre le travail forcé et le travail des enfants dans les chaînes d’approvisionnement (projet de loi S-211) responsabilise les entreprises et met en place une série de rapports et de vérifications de la conformité destinés à encourager les entreprises en activité au Canada à mettre en place des processus qui les sensibilisent aux sources d’approvisionnement potentiellement contraires à l’éthique et à les éliminer de leurs chaînes d’approvisionnement. Les entreprises non conformes pourraient non seulement faire l’objet d’enquêtes, de saisies et de sanctions gouvernementales non encore annoncées, mais risqueraient également d’être révélées publiquement, ce qui aurait un impact sur leur réputation globale.
Contrairement à la loi américaine sur la prévention du travail forcé des Ouïghours (UFLPA), la législation canadienne repose sur un système de déclaration. Au Canada, on s’attend à ce que les entreprises prennent l’initiative de recenser les cas de travail forcé et de travail des enfants au sein de leurs chaînes d’approvisionnement. La législation, qui comprend également des dispositions permettant aux concurrents et aux ONG d’agir à titre de dénonciateurs, vise à sensibiliser les gens aux responsabilités sociales afin d’assurer l’harmonisation avec les normes mondiales en matière d’approvisionnement éthique.
Adoptée en mai 2023 et entrée en vigueur le 1er janvier 2024, la législation se concentre sur la transparence et la divulgation plutôt que de dicter des mesures spécifiques que les entreprises doivent prendre.
Quelles sont les nouveautés pour les entreprises?
En termes simples, les entités cotées à une bourse canadienne ou celles qui répondent à deux des trois critères énumérés (20 millions de dollars d’actifs, 40 millions de dollars de revenus, en moyenne 250 employés ou plus) sont couvertes par la législation. Ces entreprises sont tenues de soumettre des rapports annuels aux organismes de réglementation d’ici le 31 mai de chaque année. Le non-respect de cette obligation ou le fait de ne pas fournir des renseignements exacts peut entraîner des sanctions, y compris des amendes pouvant aller jusqu’à 250 000 dollars.
Que devraient contenir ces rapports annuels?
Au centre de ces rapports se trouvent les efforts déployés par l’entreprise pour contrôler ses fournisseurs, élaborer des codes de conduite internes et tenir des registres détaillés. Comme ces rapports seront mis à la disposition du public, les entreprises doivent les harmoniser pour fournir des réponses équilibrées au ministère de la sécurité publique. Il est important de noter qu’avant la soumission, un fonctionnaire ayant le pouvoir légal de lier la société doit également signer une attestation. Cette attestation reconnaîtrait que l’entreprise est consciente de la nécessité de se conformer à la législation et qu’elle s’engage à lutter contre le travail forcé et le travail des enfants.
Ce que les entreprises devraient commencer à envisager :
Réaffirmer l’engagement de l’entreprise en faveur des pratiques éthiques et élaborer un code de conduite interne ne sont que les premières étapes. De plus, les entreprises doivent être prêtes à répondre de manière appropriée à un questionnaire portant sur des questions précises :
- Élaborer et mettre en œuvre des politiques et des processus internes pour réduire ou éliminer le travail forcé et le travail des enfants en décrivant les procédures de détection et de résolution des violations potentielles. Ces politiques doivent être transmises aux employés et aux fournisseurs, et examinées et mises à jour régulièrement pour assurer leur efficacité.
- Respecter les exigences en matière de déclaration, notamment en soumettant à temps aux organismes de réglementation des rapports annuels détaillant les efforts déployés pour lutter contre le travail forcé et le travail des enfants au sein des chaînes d’approvisionnement.
- Fournir des programmes de formation et de sensibilisation à tous les employés et fournisseurs impliqués dans l’approvisionnement pour s’assurer qu’ils comprennent les exigences de la législation.
- Éduquer ces parties prenantes pour qu’elles recensent non seulement les signes de travail forcé et de travail des enfants, mais aussi leurs responsabilités et l’importance des pratiques d’approvisionnement éthique.
Plus qu’un simple coup d’œil :
Il est conseillé aux entreprises d’aller au-delà des exigences de la législation pour réduire leur exposition au risque. Ils peuvent le faire en sollicitant des fournisseurs pour découvrir des cas d’approvisionnement contraire à l’éthique dans leurs chaînes d’approvisionnement. De plus, il leur est également conseillé de :
- Tenir des registres détaillés des efforts de diligence raisonnable des fournisseurs, des relations avec les fournisseurs et des pratiques de la chaîne d’approvisionnement.
- Documenter les processus de vérification des fournisseurs, les évaluations des risques et les autres efforts de correction.
- Effectuer des visites de site pour recueillir plus de renseignements sur leurs fournisseurs.
- Informer et conseiller les parties prenantes externes et internes sur la manière de relever les risques potentiels et de garantir le respect des exigences réglementaires, en particulier en ce qui concerne l’origine des produits.
Les avantages l’emportent sur les risques ou vice versa?
L’exclusion du travail forcé d’une chaîne d’approvisionnement aide à améliorer la position sociale et la fiabilité. Le respect des règlements minimise également les risques de perturbation. À l’inverse, le fait de ne pas prendre de mesures proactives rend les entreprises vulnérables aux changements réglementaires qui pourraient nuire à leur réputation et avoir un impact sur le potentiel de croissance. Les pertes financières associées aux saisies de marchandises pourraient avoir un impact significatif sur les profits et pertes.
Il incombe à tous les membres de l’industrie de commencer le processus d’élimination des pratiques contraires à l’éthique des chaînes d’approvisionnement; non seulement parce que le gouvernement l’exige, mais aussi parce que c’est la chose éthique à faire.
Khaled (Cal) Jamalalldeen est un directeur conseil en commerce international chez Livingston International. Il est chargé d’aider les entreprises à identifier et à résoudre les problèmes de conformité commerciale et de taxe à la consommation. Il possède plus de 17 ans d’expérience dans l’industrie, avec des compétences particulières et une connaissance approfondie en matière de taxes sur les produits de base et indirectes, la conformité réglementaire du commerce international et la reprise financière.