Par Candace Sider
Comme on le dit souvent, le changement n’est pas facile. Mais, lorsqu’il est lié à un aspect éloigné et retiré de votre vie quotidienne, il peut aussi s’agir d’une corvée. Et personne n’aime faire des tâches.
Pour d’innombrables entreprises canadiennes, un changement crucial devra avoir lieu en 2022. Les conséquences seront graves pour celles qui négligent leurs responsabilités. Ce changement est en fait la plus importante révision du processus douanier pour les importateurs canadiens dans plus d’une génération. L’initiative de gestion des cotisations et des recettes de l’Agence des services frontaliers du Canada ou GCRA est un projet à phases multiples qui sera entièrement mis en œuvre au printemps 2022. Pour les rares personnes qui ont déjà pris les mesures nécessaires pour s’adapter à la GCRA, la transition sera relativement facile. Pour la grande majorité, cependant, la conformité à la GCRA peut être un sprint jusqu’à la ligne d’arrivée, et certaines entreprises éprouveront inévitablement des perturbations.
Pour les non-initiés, la GCRA est en fin de compte une transition vers la numérisation de la comptabilité et du paiement des droits de douane. Les entreprises devront dorénavant fournir une caution financière directe pour les marchandises entrant au Canada, plutôt que d’utiliser un intermédiaire, et régler leurs comptes avec l’ASFC (bien que les courtiers en douane continueront de jouer un rôle à cet égard).
De quoi s’agit-il?
Régler un compte en ligne peut ne pas sembler un fardeau pour bien des gens. Après tout, la plupart d’entre nous avons une myriade de fournisseurs de services qui nous offrent la possibilité de consulter et de payer nos factures en ligne. Reste que la comptabilité douanière est un peu plus compliquée et qu’elle devient plus complexe en raison de la sophistication et de l’étendue des chaînes d’approvisionnement. Pour les expéditeurs commerciaux ponctuels et peu fréquents, la transition vers la GCRA impliquera à peine plus que les inconvénients de l’inscription au portail clients de la GCRA et de l’obtention de leur propre caution (plus de détails ci-dessous). Cependant, pour les grandes entreprises qui importent fréquemment et qui utilisent plusieurs courtiers en douane dans plusieurs régions, il y aura plus à prendre en compte.
Les entreprises d’importation utilisent souvent plusieurs courtiers pour diverses raisons, allant des processus d’approvisionnement disparates dans différentes divisions d’entreprise, aux spécialisations des offres de services d’un courtier, en passant par les économies de coûts et les considérations géographiques. Chaque courtier s’assure généralement que le compte d’un importateur est créé auprès de l’ASFC pour le paiement des droits et des taxes associés aux transactions facilitées par le courtier individuel. Cependant, l’introduction de la GCRA signifiera que tous les droits et taxes encourus par un importateur – pour tous les courtiers – sont consolidés dans un seul compte qui doit être réglé mensuellement par la compagnie importatrice, et non par un courtier, à moins que la compagnie ait conclu des ententes préalables avec un courtier pour faciliter les paiements en leur nom (et tous les courtiers n’offriront pas ce service). Si plusieurs courtiers sont utilisés, de telles ententes devront être conclues avec chaque courtier.
Inévitablement, les entreprises découvriront que certains courtiers sont prêts à effectuer des transactions de paiement et d’autres non. Il en résultera un enchevêtrement des transactions chaque mois, et les importateurs devront effectuer des rapprochements comptables et payer en temps opportun ou risquer que leurs expéditions soient retenues à la frontière jusqu’à ce qu’ils puissent régler leurs comptes. Pour les importateurs qui veulent éviter cet inconvénient, la seule option peut être de consolider les transactions sous un seul courtier, mais ce n’est pas nécessairement une option, car les courtiers n’ont pas tous la portée géographique et de services pour répondre à tous les besoins d’une entreprise. De plus, de nombreux courtiers pourraient ne plus prendre le risque de payer les droits et les taxes au nom d’une entreprise une fois que la GCRA sera mise en œuvre.
Se préparer à la GCRA
Pour assurer une transition efficace vers la GCRA, les entreprises devront prendre deux mesures essentielles. Tout d’abord, elles devront s’inscrire sur le portail client de la GCRA. Deuxièmement, elles devront verser une caution financière égale à la valeur des importations qu’elles font entrer au Canada.
L’inscription au portail peut prendre beaucoup de temps, surtout pour les entreprises qui n’ont pas fait preuve de diligence dans leur tenue de dossiers douaniers. Pour s’inscrire, les entreprises doivent d’abord obtenir une CléGC – en fin de compte, obtenir les identifiants de connexion qui leur permettront de configurer leur compte. L’obtention d’une CléGC exige que les entreprises répondent à des questions d’affinité ou de sécurité, qui sont généralement basées sur des renseignements liés aux transactions et aux comptes associés à l’entreprise. Une fois que l’accès au portail est obtenu, chaque entreprise devra s’inscrire en utilisant un format très strict et affecter un gestionnaire de comptes commerciaux ou un GCC qui sera l’administrateur principal du compte (les administrateurs supplémentaires peuvent se voir attribuer l’accès uniquement par le GCC).
Une fois l’inscription terminée, les importateurs devront obtenir leur propre caution en douane. Traditionnellement, la caution financière pour les importations est couverte par la caution en douane du courtier. En vertu de la GCRA, les importateurs devront obtenir leur propre caution. La caution doit être égale à 50 % des comptes débiteurs mensuels les plus élevés pour la période de 12 mois précédente et elle doit couvrir un minimum de 25 000 $. Cela signifie que, pour une entreprise pour laquelle les comptes débiteurs mensuels les plus élevés au cours des 12 derniers mois se sont chiffrés à 75 000 $, la caution devra toujours être d’au moins 37 500 $. Mais même pour les importateurs dont les comptes débiteurs mensuels sont de seulement 10 000 $, la caution devra toujours être d’au moins 25 000 $. La caution financière doit être obtenue auprès d’un fournisseur de services financiers approuvé par l’ASFC. Autrement, les entreprises peuvent enregistrer un dépôt en espèces, mais il doit être égal à 100 % des comptes débiteurs mensuels les plus élevés au cours de la période de 12 mois précédente.
La procrastination n’est plus une option
La mise en œuvre de la version 2 de la GCRA – dans le cadre de laquelle le portail et la caution de contrôle deviendront obligatoires – est prévue pour le 25 mai 2022. Les entreprises qui ne sont pas encore configurées dans le portail client de la GCRA ou sans une forme de caution verront leurs importations retenues à la frontière jusqu’à ce qu’elles puissent se conformer au nouveau processus.
Les entreprises importatrices n’ont généralement pas beaucoup de patience quand vient le temps de gérer les particularités des processus douaniers, c’est pourquoi les courtiers en douane ont traditionnellement joué ce rôle. Les courtiers continueront de jouer ce rôle essentiel dans la facilitation des transactions d’importation, tandis que les conseillers en commerce international demeureront essentiels pour aider les entreprises à se conformer aux cadres réglementaires en constante évolution et toujours rigides. Reste qu’avec la GCRA débutera une nouvelle ère de responsabilités pour les importateurs qui exigera un engagement plus important de leur part.
Pour atténuer la complexité et simplifier le processus, de nombreuses entreprises voudront consolider les transactions sous un seul courtier afin de réduire le nombre de sources qui alimentent leur compte à la GCRA. Pour ce faire, elles devront s’assurer que leur courtier de choix est prêt à faciliter les transactions en leur nom et qu’il a la compétence (ainsi que la capacité) de prendre en charge le volume supplémentaire de transactions associées à cette consolidation. Dans d’autres cas, les entreprises pourraient choisir un courtier prêt à les aider à rapprocher leur compte (à travers toutes les sources) chaque mois pour simplement réduire le fardeau administratif.
Quel que soit le chemin qu’elles choisissent, la vérité est que la période pour se conformer aux nouvelles dispositions de la GCRA se termine bientôt, laissant peu de temps à ceux qui procrastinent davantage face à la tâche de se familiariser avec toutes les nouvelles exigences et de les mettre en œuvre. Ce ne sera pas facile. Le temps presse.
Candace Sider est vice-présidente, Affaires réglementaires et gouvernementales, Amérique du Nord, à Livingston International. Elle est membre de conseils d’administration de nombreuses associations et groupes de défense des droits liés au commerce et aux douanes, dont le Conseil commercial Canada-États-Unis de la Chambre de commerce du Canada.