Par Gavin Everson
Il est difficile d’imaginer que le terme « Brexit » demeure courant dans le lexique britannique. Le divorce du Royaume-Uni avec l’Union européenne remonte maintenant à deux ans, mais la période post-Brexit continue d’apporter des changements importants, dont beaucoup sont source de complexité pour les entreprises commerciales. Pourtant, l’année à venir pourrait voir apparaître quelques lueurs d’espoir, même si l’incertitude continue de caractériser la relation entre Londres et Bruxelles.
Pour les Britanniques impliqués dans le commerce international, en particulier le commerce avec l’Union européenne, 2022 marquera une autre année d’adaptation difficile au changement. Le 1er janvier 2022 a marqué la fin de la transition progressive du gouvernement britannique vers l’obligation d’une déclaration en douane officielle pour les marchandises entrant au Royaume-Uni en provenance d’Europe. Il n’y a plus de délai de grâce ni de place à l’erreur. Les enjeux sont désormais très élevés et de nombreuses entreprises ne sont toujours pas préparées.
Une enquête menée en novembre a montré qu’un maigre quart des entreprises engagées dans le commerce avec l’Union européenne, le plus grand partenaire commercial du Royaume-Uni, sont préparées au nouveau régime douanier, tandis qu’un tiers n’étaient même pas conscientes de son arrivée imminente. Le résultat sera un choc inévitable pour de nombreuses entreprises britanniques, qui risquent d’épuiser leurs flux de trésorerie ou de perturber davantage leurs chaînes d’approvisionnement que ne le font déjà les ralentissements liés à la pandémie, ou les deux. Au cours de l’année écoulée, ces entreprises ont eu jusqu’à six mois de grâce pour soumettre des déclarations douanières complètes à HM Revenue and Customs. Ce n’est plus le cas. Les documents de déclaration seront désormais exigés au point d’entrée, à l’exception des dispositions spéciales prises à la frontière de l’Irlande du Nord (bien qu’il ne s’agisse pas non plus d’un arrangement permanent).
Trajectoire de collision
Même s’il n’en est qu’à ses débuts, le régime douanier est déjà une source d’inquiétudes dans les secteurs de l’alimentation et de l’agriculture, où l’on s’attend à ce que les nouvelles exigences de notification préalable pour de nombreux articles entraînent des retards à la frontière, faisant craindre des pénuries pour certaines denrées alimentaires.
La dure réalité pour de nombreuses entreprises non préparées sera une trajectoire de collision pour tout ce qui concerne les douanes. Certaines ont la chance d’avoir conclu des partenariats avec des courtiers en douane ou des sociétés de conseil en commerce international pour faciliter les transactions en leur nom; les autres devront faire cavalier seul ou payer des tarifs supérieurs à ceux du marché, du moins pour le moment. Pour compliquer encore les choses, une mauvaise compréhension du partenariat économique mis en place entre le Royaume-Uni et l’Union européenne, et en particulier des règles d’origine qui régissent ce qui peut bénéficier d’une exonération de droits, signifie que de nombreuses entreprises ont réclamé à tort des droits préférentiels ou une exonération de droits et qu’elles risquent d’avoir à rembourser des droits importants et à payer des pénalités maintenant que des contrôles douaniers complets sont en place.
Aucune garantie
Ce qui est peut-être le plus contrariant, c’est que les efforts nécessaires pour apprendre et s’adapter aux règles d’origine et aux autres exigences associées à l’accord de partenariat économique entre le Royaume-Uni et l’Union européenne pourraient être vains. Les négociations entre Londres et Bruxelles sur le sort du traitement des marchandises entre l’Irlande du Nord et la Grande-Bretagne demeurent très controversées. Bien que les parties aient accepté de poursuivre les négociations, aucune résolution ne semble imminente. Dans le pire des cas, l’impasse actuelle pourrait entraîner la dissolution de l’accord commercial, ce qui ramènerait le commerce outre-Manche au statut de la nation la plus favorisée (NPF), rétablirait les droits de douane et rendrait obsolètes les règles et procédures associées à l’accord commercial actuel. Cette situation est sans aucun doute incroyablement frustrante pour les entreprises qui ont déjà investi du temps et de l’énergie dans l’étude des nombreux critères requis pour obtenir des droits préférentiels et garantir la conformité avec le régime commercial.
Malgré l’incertitude permanente et le risque de déception, il convient de noter que certaines possibilités imminentes incitent à l’optimisme.
Le bon côté des choses
En 2022, il y a trois points positifs potentiels pour les entreprises engagées dans le commerce. Le premier est le potentiel de diversification importante du commerce grâce à de nombreux autres nouveaux accords de libre-échange, dont l’Accord de partenariat transpacifique global et progressif, mais aussi des accords avec le Japon, plusieurs pays du Moyen-Orient et un accord commercial avec le Canada qui sera bientôt renégocié. Londres a déposé il y a près d’un an une demande d’adhésion au PTPGP et l’examen de cette demande devrait avoir lieu au cours du premier semestre de 2022. Si le Royaume-Uni est accepté au sein du groupe PTPGP, il offrira aux exportateurs britanniques un vaste éventail de possibilités de vente pour aider à compenser les pertes d’exportations vers l’Union européenne.
Deuxièmement, le gouvernement britannique travaille actuellement à la création de zones de libre-échange (ZLE) dans les villes portuaires du pays. Ces centres d’activité manufacturière permettront aux entreprises britanniques de recevoir des marchandises de l’étranger en franchise de droits et de les modifier d’une manière ou d’une autre avant de les réexporter. Il en résultera un éventail plus large de possibilités pour les entreprises britanniques de s’intégrer aux chaînes de valeur mondiales.
Enfin, Londres a promis de mettre en place un processus de service à guichet unique pour les entrées en douane, qui permettrait de remplir et de soumettre les documents douaniers de manière numérique, ce qui rendrait le processus beaucoup plus rationnel, bien que loin d’être infaillible.
Et maintenant?
À court terme, les entreprises britanniques engagées dans l’importation et l’exportation devront se concentrer sur les points suivants :
Soyez au courant : Les récents changements apportés au régime douanier obligeront les importateurs britanniques à comprendre ce que l’on attend d’eux lorsque les marchandises entrent dans le pays. Des ressources gouvernementales et tierces sont disponibles pour offrir des conseils. Il est impératif que les entreprises prennent l’initiative de les consulter et de s’adapter si elles ne l’ont pas déjà fait.
Réaliser des économies de coûts : Le partenariat existant entre l’Union européenne et le Royaume-Uni, bien que ténu, permet de réaliser des économies sous la forme de taux de droits préférentiels et de droits supprimés. Lorsque les marchandises ne sont pas admissibles aux taux préférentiels, il existe plusieurs régimes d’exonération de droits qui peuvent bénéficier aux importateurs/exportateurs de l’Union européenne et du Royaume-Uni. Les entreprises doivent vérifier si leurs marchandises peuvent bénéficier de barrières tarifaires réduites et, si ce n’est pas le cas, déterminer lequel ou lesquels des régimes leur seront favorables. La collaboration avec un cabinet de conseil en commerce international permet souvent de découvrir des économies cachées qui peuvent aider à surmonter les problèmes de liquidités.
Découvrir les risques cachés : Les économies réalisées dans le cadre du partenariat commercial s’accompagnent d’un risque de non-conformité qui peut entraîner des audits longs et coûteux, ainsi que des amendes, des pénalités et des paiements rétroactifs de droits. Les cabinets de conseil en commerce international peuvent aider les entreprises à se préparer aux vérifications douanières pour s’assurer que toute la documentation est en ordre, et aussi pour garantir que leur régime de documentation est solide à l’avenir.
Explorer de nouveaux horizons : Londres a activement recherché et conclu des accords de libre-échange sur une base bilatérale avec plusieurs pays dans le but de diversifier les occasions commerciales en dehors de l’Union européenne. Les entreprises, en particulier celles qui ont perdu ou risquent de perdre des clients en Europe en raison de la complexité de l’administration douanière, devraient s’intéresser à ces marchés comme alternatives à l’Union européenne.
Jusqu’à présent, les entreprises britanniques ont eu le luxe de disposer de temps pour s’adapter à l’ère post-Brexit. Le temps est désormais compté et il est essentiel pour les entreprises engagées dans le commerce d’étudier de manière proactive comment elles seront affectées par les vents de changement qui soufflent de l’autre côté de la Manche, tout en explorant de nouvelles relations commerciales. Agir autrement serait à leurs risques et périls.
Gavin Everson possède plus de 35 ans d’expérience en gestion des douanes, du commerce international et de la logistique, en particulier dans la mise en œuvre de processus et de systèmes de douanes et de logistique. Il a la responsabilité de conseiller et de livrer des solutions douanières aux clients de l’EMOA de Livingston.