Cet article a été initialement publié le 16 octobre 2017 dans le Journal of Commerce.
Par Cora Di Pietro, vice-présidente du Conseil en commerce international et Stéphan Galarneau, vice-président des ventes internes pour l’Amérique du Nord
Lorsqu’il s’agit de discuter du commerce au Canada, peu de sujets éveillent les passions des intervenants autant que le fromage. Ceux qui ont suivi les négociations continues de l’accord de libre-échange, surtout au cours des derniers mois de discussion entre les parties, sauront que le fromage est un sujet de discorde particulier des deux côtés de l’océan Atlantique. Certains se souviendront qu’un désaccord de dernière minute concernant le fromage était la raison principale pour laquelle l’entrée en vigueur de l’Accord économique et commercial global (AECG) a été retardée au 21 septembre, au lieu du 1er juillet 2017.
L’un des aspects les plus remarquables de l’AECG était qu’il permettait l’importation de 16 000 tonnes de fromage européen et de 17 000 tonnes de fromage industriel au Canada. Cet aspect est sujet à controverse au Canada parce que c’était la première fois, en près de deux générations, que les producteurs de fromage canadiens verraient une concurrence accrue de l’étranger.
Avant l’AECG, l’industrie laitière (de même que la volaille et les œufs) était protégée par le système de gestion de l’approvisionnement du Canada qui permettait uniquement aux agences de commercialisation des produits laitiers de déterminer la demande projetée pour ces produits et d’offrir des contingents tarifaires (c’est-à-dire, des permis) aux producteurs et aux transformateurs afin qu’ils produisent une certaine quantité de produits laitiers pour répondre à la demande. Pour mieux protéger le marché, le gouvernement du Canada imposait des limites strictes sur le volume de produits laitiers qui pouvait être importé, ainsi que des tarifs aussi élevés que 300 % sur les articles dépassant ces limites. Ces conditions sont demeurées en vigueur, même après que le Canada a activement cherché à libéraliser les échanges avec les États-Unis aux termes de l’Accord de libre-échange nord-américain (ALÉNA).
Les promoteurs du système ont soutenu que celui-ci permettrait d’assurer qu’il n’y ait jamais de pénurie ni de surproduction, ce qui permettrait de garder les prix de détail stables, tout en soutenant les moyens de subsistance des fermiers. Or, selon les critiques, le système maintenait les prix artificiellement élevés pour les consommateurs et limitait également la sélection de produits.
L’assouplissement des restrictions sur les importations représente un changement majeur dans les pratiques commerciales canadiennes. Toutefois, ce n’est pas seulement l’ouverture des frontières en vue d’accueillir de plus grands volumes de fromage qui est digne de mention, mais également la façon dont le gouvernement canadien a choisi d’attribuer les contingents tarifaires liés à ces volumes.