L’impact après les élections sur le commerce électronique 

De Candace Sider 

Les questions liées au commerce mondial sont rarement à l’avant-plan du discours électoral. À l’heure où nous écrivons ces lignes, les problèmes les plus importants cités par l’électorat américain sont l’immigration, l’inflation et les soins de santé (bien que le classement varie en fonction de l’affiliation à un parti). Le commerce n’apparaît pas dans la liste des 15 principaux problèmes. 

C’est en partie parce que le concept du commerce mondial et son impact sur les consommateurs de tous les jours sont quelque peu abstraits. Peu d’électeurs font le lien entre ce qu’ils retirent de leur compte bancaire et l’activité de la chaîne d’approvisionnement qui a lieu avant qu’un produit ne soit placé dans leur panier (réel ou virtuel).  

Cependant, la période postélectorale pourrait voir l’examen d’une nouvelle législation ayant un impact très direct sur les prix payés par les consommateurs pour les biens achetés en ligne et sur les investissements réalisés par les détaillants américains dans le commerce électronique. Le pire, c’est que cela se fera, peu importe quel parti est victorieux.  

Quelle est la nouvelle? 

Une demande présentée cette année par un sénateur démocrate de l’Ohio et un sénateur républicain de la Floride a la très réelle possibilité d’être mise en œuvre une fois que les questions sensibles de l’élection seront passées. La demande est simple : utiliser le pouvoir exécutif de la Maison-Blanche pour supprimer la règle de minimis. Pour les non-initiés, de minimis est un terme sophistiqué utilisé pour décrire quelque chose de valeur négligeable et, par conséquent, indigne des vérifications douanières officielles et de la documentation d’entrée qui sont obligatoires pour les envois en vrac de grande valeur. Il convient de noter que les sénateurs ne sont pas les seuls à cibler le principe du seuil de minimis. Le Comité des voies et moyens de la Chambre a présenté en avril un projet de loi de réforme qui exclurait du de minimis tous les éléments qui seraient assujettis aux tarifs au titre de l’article 301 sur les importations en vrac en provenance de Chine (presque toutes les importations en provenance de Chine). Les démocrates du Comité ont manifesté un faible soutien au projet de loi, estimant qu’il n’allait pas assez loin. Le projet de loi de réforme est beaucoup plus restreint que la demande des sénateurs de supprimer complètement le seuil de minimis, mais il a toujours pour objectif de garder les marchandises provenant de la Chine hors du marché américain.  

Qu’est-ce que le seuil de minimis? 

Aujourd’hui, tout colis d’une valeur inférieure à 800 $ peut entrer aux États-Unis sans faire l’objet d’un examen des douanes (à moins qu’il ne s’agisse de marchandises réglementées, comme des produits alimentaires, des médicaments, des produits chimiques, etc.). Le seuil, qui était historiquement de seulement 50 $, a été augmenté d’abord à 200 $, puis à 800 $ par le Congrès au cours de la dernière année de l’administration Obama. Le résultat a été une explosion du nombre d’expéditions de faible valeur. En 2015, la U.S. Customs and Border Protection (CBP) a traité 134 millions d’expéditions de faible valeur. D’ici 2023, ce chiffre avait augmenté à plus d’un milliard, dont 58 % proviennent de la Chine (et une partie des expéditions constituant les 42 % restants sont également des marchandises chinoises transbordées par d’autres pays). Les expéditions de minimis représentent 83 % des achats issus du commerce électronique aux États-Unis, de sorte que toute altération du seuil de minimis aura inévitablement un impact sur l’analyse coût-avantage d’un consommateur pour l’utilisation du commerce électronique par rapport à la vente au détail traditionnelle. 

Pourquoi s’y oppose-t-on? 

Les bellicistes chinois considèrent le seuil de minimis comme une faille utilisée par les entreprises américaines qui cherchent à contourner le tarif de 25 % (dans certains cas plus) imposé par l’administration Trump en 2018. Ces tarifs s’appliquent aux envois en vrac pour lesquels des déclarations douanières officielles sont requises. Ils affirment également que les trafiquants internationaux de drogues ont utilisé le contrôle moins rigoureux placé sur des colis de faible valeur pour faire la contrebande de drogues dans le pays, contribuant à la crise continue des opioïdes (bien que la vaste majorité des substances illicites saisies par les agents des douanes l’aient largement été à la frontière terrestre, tandis que la plupart des colis issus du commerce électronique arrivent par avion).  

Ce qui est intéressant à noter, cependant, c’est que bien que le volume d’envois de minimis ait augmenté de façon exponentielle, la valeur de ces envois est restée assez faible. En 2024, la valeur moyenne des marchandises de minimis est toujours d’environ 50 $, c’est-à-dire le seuil de minimis d’avant l’augmentation par le Congrès. En d’autres termes, le fait de baisser le seuil de minimis à son niveau historiquement bas ne contrecarrerait pas nécessairement le volume d’envois de minimis, car la plupart d’entre eux se situent toujours sous ce seuil. À ce titre, les sénateurs opposés au seuil de minimis demandent son abolition complète plutôt que de simplement l’abaisser.  

Quel impact aurait son retrait? 

Comme on pouvait s’y attendre, les détaillants s’opposent à la suppression du seuil de minimis. Cela signifierait un processus de dédouanement plus lent et beaucoup plus lourd et, par conséquent, des délais de livraison plus longs et des coûts plus élevés pour les produits issus du commerce électronique. Compte tenu de la hausse des investissements en commerce électronique aux États-Unis (le commerce électronique mondial représentait 3,3 billions de dollars en valeur des ventes en 2023), dont une grande partie a eu lieu en 2020 et 2021 afin de répondre à la hausse de la demande découlant de la pandémie, les détaillants veulent s’assurer qu’ils reçoivent un excellent rendement pour cet investissement.  

L’élimination du seuil de minimis est un scénario peu probable. Les détaillants estiment que le coût moyen d’un envoi de 50 $ pourrait doubler en raison des frais de traitement douanier et des droits de douane. Ces coûts seraient transmis aux consommateurs, ce qui contribuerait à l’inflation dans le commerce électronique, qui serait alors moins attrayant pour les consommateurs. Cela exercerait également plus de pression sur les agents des douanes qui auraient alors 2,5 millions d’envois de minimis à examiner chaque jour, ce qui entraînerait des retards dans l’entrée des marchandises issues du commerce électronique.  

La CBP a déjà mis en place des mesures de protection pour assurer l’efficacité du traitement du nombre croissant d’envois de minimis tout en se protégeant contre les acteurs criminels qui pourraient vouloir profiter du règlement. Cela a pris la forme d’un contrôle électronique avancé et de l’établissement des schémas utilisés par les criminels pour échapper à la détection des marchandises illicites par les douanes. 

Une solution plus modérée : une conformité améliorée 

De minimis est devenu un bouc émissaire pratique pour ceux qui, en politique, s’opposent au pouvoir économique croissant de la Chine et à sa concurrence avec les États-Unis. Les détracteurs du programme disent que le programme est trop laxiste dans sa sélection de biens de faible valeur, invitant à l’utilisation abusive et nullifiant l’objectif des tarifs dont il est question dans l’article 301, introduit en 2018 par l’administration Trump et maintenu plus tard par l’administration Biden.  

Pour sa part, la CBP a mis en place un système robuste utilisant un type de déclaration spécial pour repérer les marchandises issues du commerce électronique. Les facilitateurs des marchandises issues du commerce électronique en sont bien conscients et les ont souvent utilisées, en collaboration avec les transitaires et les courtiers en douane. En vertu de ce système, le courtier en douane assume le rôle d’importateur officiel et doit donc faire preuve de diligence raisonnable pour s’assurer que les marchandises sont correctement classées. Le processus peut souvent être fastidieux, en particulier lorsque les marchandises sont réglementées par des organismes comme la Food and Drug Administration, l’Environmental Protection Agency et d’autres. Une classification laxiste peut souvent mener à une non-conformité, ce qui est précisément la façon dont les acteurs malveillants peuvent tirer parti du système. 

Pour corriger ce problème et réduire les risques de non-conformité, qui permettent aux détracteurs du seuil de minimis de remettre en question son utilisation, les facilitateurs du commerce électronique doivent trouver des moyens d’assurer une classification exacte des marchandises. Pour y parvenir de façon constante, il faudrait un processus automatisé qui réduirait la charge de travail des facilitateurs du commerce électronique et leurs courtiers. Un tel processus permettrait non seulement d’économiser d’innombrables heures de travail de classification manuelle des marchandises, mais protégerait également les marques et leurs facilitateurs de commerce électronique contre les risques d’atteinte à la réputation et financiers associés à la saisie de marchandises pour non-conformité. 

Nous pourrions perdre une bonne chose 

Le seuil de minimis et les nouveaux processus utilisés pour faciliter l’entrée de marchandises de faible valeur ne sont pas seulement un moyen de réduire le fardeau administratif pour les agents frontaliers et les importateurs. Ils sont plutôt un moyen de faciliter ce que devrait être l’avenir du consommateurisme aux États-Unis et à l’échelle mondiale. Les ventes issues du commerce électronique devraient atteindre 6,8 billions de dollars à l’échelle mondiale et 1,2 billion de dollars aux États-Unis d’ici 2028. L’élimination du seuil de minimis entraînerait une diminution brutale de la part américaine dans la tendance florissante du commerce électronique, ce qui désavantagerait le pays à l’échelle mondiale et réduirait son potentiel de croissance économique.  

Bien qu’il y ait des préoccupations compréhensibles concernant les répercussions négatives du seuil, le fait de s’en débarrasser complètement (ou de restreindre les marchandises de minimis provenant de la Chine) reviendrait à jeter le bébé avec l’eau de bain.  

Les politiciens des deux factions devraient utiliser leur intérêt bipartisan sur le seuil de minimis pour trouver un terrain d’entente entre leurs préoccupations et la valeur économique inhérente au traitement informel de marchandises de faible valeur. La solution de rechange ne fera gagner aucun vote.  

Candace Sider est vice-présidente, Affaires gouvernementales et réglementaires, Amérique du Nord pour la société de services commerciaux Livingston International. Elle est souvent conférencière et présentatrice lors d’événements industriels et universitaires et elle est membre active de nombreux groupes et associations de l’industrie.