Par Candace Sider, Vice-présidente des affaires gouvernementales et réglementaires, Amérique du Nord
La relation entre les États-Unis et le Canada est actuellement à un moment crucial. Les relations diplomatiques sont à un niveau plus élevé qu’elles ne l’ont été en quatre ans, mais les relations commerciales demeurent très incertaines et causent un malaise des deux côtés de la frontière.
Le Canada et les États-Unis partagent la frontière internationale la plus importante et la plus poreuse au monde. Le libre-échange a été un avantage pour les deux pays. On estime que neuf millions d’emplois aux États-Unis et 1,9 million d’emplois au Canada sont liés au commerce transfrontalier. Le Canada représente le deuxième partenaire commercial le plus important en Amérique et le plus grand marché d’exportation de marchandises. Le Canada représente également le premier marché d’exportation pour 35 des 50 États américains.
Relations tendues
Pourtant, les relations commerciales ont été tendues au cours des dernières années; de la renégociation forcée de l’Accord de libre-échange nord-américain à l’imposition de tarifs sur l’acier, l’aluminium et le bois d’œuvre canadiens, sans oublier les désaccords sur le commerce agricole, à l’annulation plus récente du pipeline Keystone XL par l’administration nouvellement formée du président américain Joe Biden. La mise en œuvre prévue de politiques d’achats aux États-Unis qui pourraient empêcher les entreprises canadiennes de conclure des contrats avec le gouvernement américain est encore plus inquiétante.
Tous ces points éclipsent le changement qui a lieu présentement dans la dynamique commerciale de Can-Am. Il n’est pas surprenant de constater que le commerce global des marchandises entre le Canada et le reste du monde a considérablement chuté en 2020. Les exportations ont diminué de 12,3 % d’une année à l’autre et les importations de 8,6 %. Le déficit total du commerce international a doublé au cours de cette période.
Signes de changement
Cependant, les premiers mois de 2021 ont connu une reprise substantielle. Dans la période de décembre et janvier, le commerce international a affiché un excédent pour la première fois depuis mai 2019. Dans l’intervalle de décembre et février, l’excédent commercial du Canada avec les États-Unis a augmenté de plus de 250 %, la croissance des exportations de 11 % ayant dépassé la croissance des importations de moins de 1 %. Ces chiffres sont encourageants et d’autant plus soutenus par les projections d’une reprise plus rapide et plus marquée de l’économie américaine.
Toutefois, les chiffres sur le commerce ne représentent que la moitié de la situation. Les investissements au Canada ont connu une croissance substantielle ces dernières années. En fait, les trois années précédant la pandémie ont enregistré des entrées nettes d’investissements en provenance des États-Unis augmenter de 69 %. Il s’agit d’une figure frappante, étant donné que les deux pays ont participé à des négociations tendues sur l’avenir du libre-échange qui auraient pu compromettre ces investissements si les négociations commerciales avaient mal tourné.
Le fait demeure que l’industrie américaine considère le Canada comme un marché stratégique pour l’investissement, d’autant plus que le risque dans le commerce international a été accru par les guerres commerciales, les fermetures de production, les pénuries de conteneurs, la congestion portuaire et l’escalade constante des coûts de transport. Un récent sondage mené par PWC auprès de directeurs généraux mondiaux démontre que le pourcentage de PDG établis aux États-Unis qui considèrent le Canada comme étant important pour leur croissance globale a doublé, passant de 8 % à 16 % entre 2020 et 2021. Entre-temps, le pourcentage considérant la Chine comme étant essentielle à la croissance est passé de 33 % à 23 % au cours de la même période.
À l’inverse, les investissements canadiens aux États-Unis ont considérablement diminué au cours des trois années précédant la pandémie, chutant un peu plus de 60 %. Bien que les questions liées au commerce ne soient pas les seuls à êtres coupables de ce chiffre, il y a peu de contestation que le sentiment protectionniste et la volatilité dans les relations commerciales ont eu une certaine influence sur la tendance à la baisse.
Une perspective de l’industrie canadienne
Au cours des prochains mois, les Canadiens comprendront plus clairement l’approche de l’administration de Biden à l’égard des échanges commerciaux, et plus particulièrement les questions susmentionnées. Puisque les entreprises américaines misent vers des investissements plus importants au Canada et qu’il y a beaucoup de place pour la reprise des investissements canadiens au sud de la frontière, l’urgence derrière une approche harmonisée du commerce et de la politique réglementaire, ainsi que la coopération frontalière post-pandémique, est absolument essentielle.
Pour cette raison, la Chambre de commerce du Canada a récemment mis en place une initiative stratégique impliquant un grand nombre d’entreprises canadiennes dans tous les secteurs afin de surveiller, examiner et réagir aux politiques commerciales et économiques à mesure qu’elles se produisent. Les points de vue reflèteront les avantages mutuels de créer un commerce sans friction et de réduire les obstacles à l’investissement et aux possibilités.
Une partie de cet effort consistera à s’assurer que les politiques d’achat aux États-Unies n’empêchent pas les entreprises canadiennes de rivaliser équitablement avec les entreprises américaines pour les contrats gouvernementaux nés du projet de loi de 2 billions de dollars sur les dépenses en infrastructures proposées par l’administration de Biden. Cependant, il est tout aussi important de veiller à ce que les entreprises soient convaincues qu’une véritable coopération a lieu pour réduire le fardeau administratif et réglementaire excessif afin que les petites et moyennes entreprises puissent accélérer leur reprise grâce à des partenariats stratégiques transfrontaliers et des débouchés commerciaux.
Alors que les relations diplomatiques entre Washington et Pékin continuent de se détériorer et que la guerre commerciale entre les États-Unis et la Chine risque de s’intensifier, les entreprises américaines se tourneront de plus en plus vers les chaînes d’approvisionnement régionales. Bien que ce processus soit susceptible de s’échelonner sur des années, plutôt que sur des mois, le fait de s’assurer que les conditions pour soutenir les chaînes d’approvisionnement continentales sont bien établies contribuera grandement à renforcer la confiance des entreprises des deux côtés du 49e parallèle, et à renforcer les liens économiques historiques entre les États-Unis et le Canada.
Candace Sider est vice-présidente, Affaires réglementaires et gouvernementales, Amérique du Nord, à Livingston International Elle siège aux conseils d’administration de nombreuses associations et groupes de défense des droits liés au commerce et aux douanes, dont le Conseil commercial Canada-États-Unis de la Chambre de commerce du Canada.