This article was originally published in Global Trade Magazineon May 23, 2019
Cet article a été publié initialement dans le Global Trade Magazinele 23 mai 2019.
Par Candace Sider, vice-présidente des affaires gouvernementales et réglementaires, Amérique du Nord
Ces derniers temps, la guerre en cours au Capitole au sujet des dispositions relatives à l’application des lois du travail de l’Accord Canada–États-Unis–Mexique (ACEUM) a fait couler beaucoup d’encre et tel a également été le cas, plus récemment, en ce qui concerne la mesure dans laquelle les nouvelles règles d’origine dans le secteur de l’automobile auront une incidence positive sur le secteur de l’emploi.
On ne voit toujours pas la lumière au bout du tunnel en ce qui concerne l’impasse relative à l’application des lois du travail. Bien que le Mexique ait récemment adopté des lois en matière de réforme du travail qui permettront aux travailleurs de voter au sujet des syndicats et de leurs contrats de travail par l’intermédiaire de scrutins secrets, les démocrates maintiennent que les dispositions relatives à l’application des lois dans le cadre de l’ACEUM sont insuffisantes et peu susceptibles de créer les conditions nécessaires pour empêcher la fuite continue des emplois américains vers le sud de la frontière. Les républicains maintiennent quant à eux que les dispositions relatives au travail se situent un cran au-dessus de l’ALÉNA et qu’elles représentent la meilleure occasion possible pour faire en sorte que les responsables mexicains rendent des comptes (au niveau politique et financier).
De même, la Maison-Blanche maintient que les règles d’origine pour le secteur de l’automobile, s’accompagnant d’exigences beaucoup plus élevées pour l’Amérique du Nord, généreront beaucoup plus d’emplois que les 28 000 annoncés dans le rapport de l’U.S. International Trade Commission publié le mois dernier.
Le résultat de l’impasse est l’ambiguïté en cours au sujet du sort de l’accord commercial en péril et, à son tour, le sort du libre-échange en Amérique du Nord.
Bien qu’il soit clair que ces considérations sont importantes et que la résolution de cette impasse permettrait d’assurer la longévité de l’ACEUM, la non-résolution de cette impasse constitue un grand danger.
Le libre-échange ne repose pas que sur l’application des lois du travail et l’emploi dans le secteur automobile
L’ACEUM repose sur beaucoup plus que la mise à jour et l’amélioration des normes du travail, ou même l’affinement des règles d’origine applicables aux automobiles nord-américaines. Il s’agit de l’harmonisation massive d’un accord commercial qui a solidifié la position de l’Amérique du Nord à titre de bloc commercial le plus important au monde.
Bien que des plaidoyers passionnés aient été présentés aux républicains et aux démocrates, les décideurs ne reconnaissent souvent pas l’impact de l’accord et du libre-échange en général en ce qui concerne l’économie des États-Unis au sens large.
L’importance du libre-échange pour l’économie et les industries des États-Unis est un argument irréfutable pour ratifier l’ACEUM et accroître le libre-échange en Amérique du Nord.
Le Canada et le Mexique font partie des trois principaux marchés d’exportation de 49 états américains et tant le Canada que le Mexique sont les principaux partenaires commerciaux de 39 états américains. Environ deux millions d’emplois aux États-Unis sont soutenus par l’exportation de produits manufacturés vers le Canada et le Mexique seuls.
Depuis que l’ALÉNA est entré en vigueur en 1993, les exportations des services américains vers le Canada et le Mexique ont triplé, passant de 27 milliards de dollars à 91 milliards de dollars. Les agriculteurs américains dépendent grandement de l’accès aux marchés canadien et mexicain, le tiers des exportations agricoles étant en effet destiné à leurs voisins du Sud et du Nord.
Une grande partie de la prospérité engendrée par le libre-échange en Amérique du Nord a bénéficié directement aux petites entreprises des États-Unis qui comptent le Canada et le Mexique parmi leurs deux principales destinations d’exportation.
Au-delà des dispositions sur le travail et des règles d’origine dans le secteur de l’automobile
Les données susmentionnées devraient constituer une raison suffisante pour faire de la ratification de l’ACEUM une valeur sûre. Et pourtant, le nouvel accord a le potentiel d’élargir davantage les activités commerciales à l’échelle de l’Amérique du Nord et d’offrir de réels avantages aux entreprises et aux travailleurs américains.
Les protections des droits de propriété intellectuelle protégeront les producteurs contre les marchandises contrefaites et stimulera l’activité dans les industries IP intensives, qui soutiennent actuellement 45,5 millions d’emplois qui génèrent 6,6 trillions de dollars américains du PIB américain, selon l’U.S. Chamber of Commerce.
L’accord allège également les formalités et propose des procédures réglementaires équitables et transparentes, permettant davantage aux petites entreprises américaines de participer à l’importation et à l’exportation de marchandises.
Et pendant que la croissance du commerce électronique et des produits numériques entraîne de nouveaux défis pour les agences en douane internationales et l’Organisation mondiale des douanes en ce qui concerne l’application adéquate des droits, l’ACEUM présente de nouvelles dispositions relatives à une économie numérique qui contribuera à sécuriser la circulation transfrontalière des données, interdira les droits de douane sur la transmission de produits électroniques tels que les livres numériques, et veillera à la collaboration continentale en matière de cybersécurité.
L’ACEUM simplifie les procédures de douane, harmonise les politiques réglementaires, promeut le commerce électronique, offre un plus grand accès au marché laitier canadien et maintient des dispositions importantes en matière de règlement des différends dans le cadre des différends entre pays.
Élargir le débat public au sujet de l’ACEUM
Les avantages présentés ci-dessus sont rarement mentionnés dans le cadre du débat public au sujet de l’ACEUM, qui s’articule désormais de façon obsessive autour des provisions relatives à l’application des lois du travail. Ce qui ne veut pas dire que les dispositions ne sont pas importantes. En effet, le principal motif de renégociation de l’ALÉNA était d’aplanir les disparités en ce qui a trait au travail, particulièrement dans l’industrie manufacturière.
De la même façon, il est important d’examiner les modifications apportées aux règles d’origine dans le secteur de l’automobile. Aucune autre industrie n’a saisi les avantages de l’ALÉNA en ce qui a trait à la création de chaînes d’approvisionnement continentales intégrées comme l’industrie automobile l’a fait. Les modifications apportées au mode de fonctionnement de ces chaînes d’approvisionnement auront une incidence sur les modèles de production et de distribution, ainsi que sur les tendances de l’emploi et de la consommation.
Il est essentiel de discuter de ces enjeux. Il est toutefois tout aussi important de veiller à ce que les nombreuses autres vastes réformes présentées dans l’ACEUM ne soient pas perdues ou éclipsées dans le cadre de ce débat. Le fait d’omettre d’examiner ces avantages nuirait non seulement aux nombreux intervenants et négociateurs qui ont travaillé dur pour veiller à leur inclusion dans l’accord, mais aussi aux millions d’Américains qui pourraient tirer profit de ces inclusions. Étant donné que ces mêmes Américains sont les électeurs des hommes et des femmes au Congrès, la non-ratification de l’ACEUM en raison d’une seule disposition serait un cas classique de membres du Congrès qui « se tirent dans le pied ».